Entretien avec Victor K., romancier, auteur de la collection "Service Action" chez Robert Laffont, dont le second tome au plus proche de l'actualité, "Sauvez Zelensky !" vient de paraître.
© Patrice Normand pour Robert Laffont
Quelques mois après la publication du premier tome de la collection "Service Action" (Cible Sierra), vous récidivez déjà avec "Sauvez Zelensky !". La réactivité est la marque de fabrique de la série ?
Surtout l'adaptabilité à la conjoncture internationale, l'objectif de la série étant de coller à l'actualité, et hélas, depuis le 24 février dernier, un évènement de forte ampleur nous concerne tous : un conflit de haute intensité, dans lequel je projette le Service Action de la DGSE.
"Fictionner" dans le cadre d'un conflit en cours suppose quelques règles, non ?
C'est à la fois passionnant et exigeant. Passionnant, parce que glisser tous mes personnages dans la grande histoire représente pour un auteur un vrai plaisir d'écriture. Exigeant, parce que je ne dois jamais oublier la somme de toutes les souffrances liées à cette guerre absurde. Aussi, je me devais de toujours conserver la dimension humaine du conflit. Les agents du Service Action déployés à Kiev gardent donc les yeux ouverts sur les drames individuels, tout en essayant de demeurer détachés pour accomplir les missions qui leur sont confiées...
À propos de cette unité très secrète, vous êtes soumis à d'autres contraintes, notamment de confidentialité ?
En fait, si j'ai été lié au service de renseignement extérieur français pendant plus de vingt-et-une années, je n'ai plus le moindre contact officiel avec cette maison, et je ne dispose pas de la moindre information susceptible d'être intégrée dans le roman, et éventuellement pouvant placer en difficulté du personnel projeté sur le théâtre des opérations ukrainien. C'est là, en fait, ma plus grande crainte : d'une maladresse due à ma seule imagination, trop coller à des missions en cours. C'est pourquoi je ne fais que calquer les capacités d'emploi "classiques" du Service Action (SA) sur une trame très romanesque.
On en vient justement à l'intrigue de "Sauvez Zelensky !", puisque dans votre roman, le Président de la République donne ordre au Service Action de mener deux opérations de front pour garantir la sécurité de son homologue ukrainien...
Le roman se déroule au cours des premiers jours de l'offensive russe sur l'Ukraine. Des heures au cours desquelles les alliés occidentaux ont eu pour première préoccupation de trouver des solutions pour protéger la vie de Volodymyr Zelensky, et celle des membres de sa famille. Très vite le président Zelensky a refusé les solutions d'exfiltration proposées par les services américains, britanniques, et peut-être français. Il a eu cette expression formidable : "Je n'ai pas besoin d'un "taxi", mais de munitions". À partir de ce moment-là, le conflit a changé d'âme, avec ce chef d'État qui montrait au monde entier sa capacité de résistance, et celle de son peuple. Néanmoins, la CIA, le MI-6 et donc certainement aussi la DGSE ont projeté des équipes sur le terrain pour intervenir au cas où... C'est ce que met en place, dans le roman, le chef du SA, le colonel Coralie Desnoyers, alias Athéna (son pseudo "maison"), mais pas seulement...
Le Président de la République lui demande aussi de monter, en périphérie du conflit ukrainien une opération très sensible... Trop sensible ?
Je ne veux pas spolier l'intrigue, mais disons que le chef de l'État français, qui maintient un contact avec Vladimir Poutine, cherche des moyens pour faire efficacement faire pression sur le Tsar... La DGSE trouve une solution audacieuse, que le SA sera en charge de mettre en oeuvre.
Un Président de la République qui ressemble furieusement à l'actuel ?
J'ai souhaité rester très proche de la réalité. Oui, on est avec un président très ressemblant... On l'accompagne dans le PC Jupiter, dans les lieux de pouvoir.
Que personnellement vous connaissez ?
Outre mon expérience dans le monde du renseignement, j'ai aussi été membre de cabinet ministériel. Je connais les allées du pouvoir. J'ouvre volontiers les portes aux lectrices, lecteurs.
Justement, dans les allées du pouvoir, la patronne du Service Action entretient une relation particulière avec le chef de l'État...
Ils appartiennent à la même génération, partagent le même goût de l'audace. Dans "Cible Sierra", le premier tome de la série, elle le sauve d'un attentat à Beyrouth. Ils sont donc liés à la vie à la mort, même si Athéna conserve ses distances, et cherche, malgré tout, à rester le plus possible l'exécutante, et non la confidente... Un jeu un peu pervers commence entre eux.
À propos de perversité, le sexe tient une place notable dans la série. Un choix assumé ?
Oui, pleinement. Et notamment dans le cadre d'un conflit où tout est exacerbé. Kiev n'est pas qu'une ville de douleurs, mais aussi de plaisirs. Le sexe, tout comme la violence sont parties intégrantes de nos vies, mais sont gommés par nos sociétés lissées. Le conflit ukrainien rappelle à chacun combien, malheureusement, la violence peut ressurgir à tout instant...
Pour revenir aux opérations du Service Action en Ukraine, celles dans "Sauvez Zelensky !" sont-elles vraiment fantasmées ?
J'ai tenu compte des spécialisations du SA, et j'ai construit une fiction autour. J'imagine que cette unité est bien présente sur le terrain. Je pense que ce serait une faute de la part de la France de se priver ce cet outil formidable dans ce conflit. En combinant clandestinité et aptitude au combat, le Service Action de la DGSE répond à toutes les ambitions secrètes de la France en Ukraine. Cette entité est unique dans le monde des services de renseignement occidentaux. C'est une chance de pouvoir compter sur l'expérience de son personnel.
Vous ne faites pas partie de ceux qui critiquent le retard supposé des services français dans ce conflit ?
Quel retard ? La différence, c'est que la DGSE ne communique pas. Elle a ses raisons. Elle ne se pare donc pas des plumes du paon, comme le font nos alliés, mais travaille dans le silence, et la confidentialité, et obtient vraisemblablement de réels succès sur le terrain, qu'elle ne revendiquera jamais. C'est une doxa qui peut sembler austère, mais qui démontre son efficacité. En revanche, dans ma série de romans, on trouvera des raisons d'être plutôt fiers du travail accompli...
Vous vous êtes démasqué depuis la publication du premier tome. C'est bien Vincent Crouzet qui se cachait derrière Victor K. ?
En fait, je ne me dissimulais pas. C'était juste pour "griffer" ce nouveau label. La série est bien lancée : je peux donc apparaître derrière Victor K.
"Sauvez Zelensky !" (Robert Laffont)
Comments