A l'occasion de la parution du livre "Parlons-nous tous la même langue? - Comment les imaginaires transforment la France" (Editions de l'Aube), coécrit par Frédéric Dabi et Brice Soccol, Frédéric Dabi a accordé une interview à ConfiNews.
Q. Quel a été le point de départ de ce livre "parlons nous tous la même langue" ?
Avec Brice Soccol, deux questions ont traversé nos réflexions autour de la genèse de ce livre: d'une part, est-ce que les politiques peuvent encore proposer un récit ou plus prosaïquement une offre programmatique qui parle à une majorité de Français ? D'autre part, les clivages spatiaux (l'opposition entre la France des Métropoles ou celle des ruralités) ou partisans (l'antagonisme entre les Français de gauche et ceux de droite) sont-ils aussi profonds ? S'agissant du dernier point, le livre révèle le décalage entre un champ politique fracturé avec des représentants de chacun des trois blocs surjouant la césure gauche / droite et le discours des Français recueillis dans le cadre de l'enquête réalisée pour ce livre. Et ce discours révèle que sur des sujets, comme l'école, l'insécurité, les services publics ou l'immigration qui par le passé antagonisaient les Français, le clivage gauche droite s'est très fortement amoindri. Au contraire se font jour des constats communs et des attentes communes.
Q. Ce hiatus que vous évoquez entre la classe politique et les Français, qu'entraîne-t-il ?
Il est tout simplement au cœur de la crise du politique entre des représentants qui se déchirent et des Français représentés finalement plus unis qu'on ne le croit. Aussi, cette crise est également une crise de l'écoute que des événements comme le contournement du non au referendum du 29 mai 2005, la crise des Gilets Jaunes ou la récente réforme des retraites ont enracinés.
L'opinion publique éprouve le sentiment que ses attentes sont insuffisamment prises en charge, à l'échelle nationale alors qu'en comparaison, les élus locaux parviennent avec pragmatisme à transformer le quotidien des Français, du moins à peser sur le cours des choses.
Cette dichotomie entre une sphère nationale rejetée car jugée déconnectée ou impuissante et une sphère locale célébrée constitue également un ingrédient de cette crise du politique.
Q. Dans votre livre vous évoquez souvent les imaginaires des Français ? Quels sont ceux qui les rassemblent le plus ?
Il y a par exemple l'envie de bien vieillir dans un cadre de vie préservé, celle de conserver du lien social ou de vivre en sécurité... Tout cela rassemble les Français, y compris ceux vivant dans une métropole et ceux habitant les campagnes.
Mais pour autant, c'est un imaginaire plus négatif qui rassemble le plus, en l'occurrence celui du déclin. La représentation d'une "France qui tombe" structure les discours et se cristallise autour de deux institutions dont les difficultés endémiques apparaissent comme le révélateur du déclin français : l'hôpital et l'école.
Néanmoins, l'imaginaire autour du déclin renforce un attachement jamais vu vis à vis de son territoire. Et paradoxalement, il produit un imaginaire plus positif, celui de la célébration des services publics, le patrimoine de ceux qui n'ont rien.
Ici réside le principal clivage entre des urbains qui bénéficient du maillage important des services publics et des ruraux moins bien pourvus qui appréhendent toute disparition d'un service public comme un abandon par la puissance publique et la matérialisation tangible du déclin de leur territoire.
Q. Faut-il finalement être optimiste ?
J'ai envie de vous répondre positivement. Derrière les clivages et les tensions que ce livre ne nie pas, il y a du commun, des envies et des projections communes. À ce titre, les Jeux olympiques et paralympiques ont constitué un formidable "shoot anti-déclin" qui a réuni les Français. Il reste à espérer une meilleure prise en charge du politique. Les Français ont besoin après cette période électorale tumultueuse de rupture sur le fond, d'une nouvelle méthode faite d'écoute et d'apaisement. Dans ce cadre, les élus locaux surreprésentés dans le nouveau gouvernement, à la différence des précédentes équipes de l'ère Macron, ont peut-être un rôle a jouer en déployant des mesures de bon sens, pour rompre avec le sentiment de déclin.
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