Entretien avec Aude Monnier Da Costa, présidente de Rhapsod’if.
L’association Rhapsod’if, que vous présidez, a été créée en 2008. Quelle est sa raison d’être ?
L’association Rhapsod’if a été créée à la suite d’un constat simple : les personnes en situation de handicap ne parviennent que difficilement à accéder aux soins bucco-dentaires. Nous nous efforçons donc de faciliter l’accès aux soins pour les personnes en situation de handicap en travaillant avec des chirurgiens-dentistes, des associations gestionnaires d’établissements, les pouvoirs publics, les personnes en situation de handicap et leurs familles.
Le parcours de soin des personnes en situation de handicap souffre de discriminations. Y a-t-il des obstacles propres à l’accès aux soins bucco-dentaires pour les personnes en situation de handicap ?
Si on se livre à une typologie rapide, on distingue deux profils de personnes en situation de handicap : les personnes en situation de handicap moteur et les personnes en situation de handicap psycho-sensoriels. Les problématiques associées aux deux profils ne sont naturellement pas les mêmes. Si les premières peinent à se déplacer vers les lieux de soin ou encore à s’installer sur les fauteuils dentaires standardisés, les secondes souffrent davantage de la découverte d’un environnement dont les caractéristiques sensorielles peuvent leurs apparaître hostiles.
Les problématiques relatives à la mobilité et à l’expérience d’un nouvel environnement ne sont pas fondamentalement propres aux soins bucco-dentaires. En revanche, elles s’y trouvent exacerbées. Le dentiste ne peut que rarement se déplacer avec son matériel dont il dépend. Les praticiens éprouvent également une véritable difficulté dans l’adaptation de leur équipement aux personnes en situation de handicap. Aussi le cabinet dentaire est-il un lieu souvent perçu comme désagréable, peut-être davantage que les autres lieux de soin.
L’accueil des personnes en situation de handicap doit-il être l’affaire de tous les praticiens ou l’apanage de praticiens spécialistes ?
S’il est un principe sur lequel un praticien ne peut transiger, il s’agit bien de celui de l’accueil de tous les patients sans aucune discrimination. Le soin de tous est l’affaire de tous les praticiens.
Cependant il est évidemment nécessaire que les praticiens puissent, si nécessaire, réorienter les patients en situation de handicap vers des praticiens spécialistes avec des cabinets mieux adaptés. Au-delà des questions d’équipement, il y a aussi une dimension ayant trait à la formation puisque, malheureusement, rares sont les praticiens formés à l’accueil des personnes en situation de handicap.
L’inclusion d’un volet lié au soin des personnes en situation de handicap dans le cursus universitaire vous semble-t-elle nécessaire ? En somme, les formations que dispense Rhapsod’if devraient-elles être inclues dans le cursus universitaire ?
Oui, tout à fait. C’est une véritable obligation afin que chaque médecin soit en mesure d’accueillir tous les patients dignement.
Nous avons la chance, en Île-de-France, de travailler en collaboration avec des professeurs qui partagent notre approche. Cependant la problématique ne se limite pas à la dispense d’un certain volume horaire de cours portant sur le soin des personnes en situation de handicap. Il est également nécessaire que les étudiants en médecine puissent réaliser des stages au sein des structures spécialisées. Sans davantage de partenariats avec lesdites structures spécialisées, la formation aux enjeux liés à l’accueil des personnes en situation de handicap ne sera toujours qu’imparfaite.
Comment les élus, locaux ou nationaux, peuvent-ils contribuer efficacement à un accès aux soins égalitaire, a fortiori dans le domaine bucco-dentaire ?
La santé est une question éminemment politique. Notre structure de financement, supportée intégralement par l’ARS d’Île-de-France, en témoigne. Les gouvernants nationaux doivent être pleinement conscients des enjeux liés à la santé bucco-dentaire, avec une attention toute particulière pour les personnes en situation de handicap – davantage à risque.
Les élus locaux ont un rôle primordial qu’est celui de communiquer. Ils sont des relais essentiels auprès des aidants, des familles ou encore des MDPH. Aussi doivent-ils permettre l’installation de chirurgiens-dentistes sur leur territoire afin de ne pas doubler la discrimination liée au handicap à des inégalités territoriales dans l’accès aux soins.
C’est d’ailleurs le sens de votre partenariat avec l’Association des Elus de France…
Notre collaboration avec l’Association des Elus de France a effectivement été pensée comme un moyen de promouvoir nos actions auprès des pouvoirs publics et des élus locaux. C’est d’autant plus vrai que les chirurgiens-dentistes sont relativement peu connus des élus locaux.
Vous participez au onzième congrès national de l’association SOSS (Santé Orale Soins Spécifiques) qui se tiendra le 23 août prochain, à Issy-les-Moulineaux. Pouvez-vous nous en parler succinctement ?
Le congrès national de l’association SOSS rassemble tous les acteurs des soins bucco-dentaires et vise à promouvoir les solutions locales qui fonctionnent. C’est un moment important pour notre association.
Le congrès sera, respectivement lors de la matinée et de l’après-midi, l’occasion de revenir sur les troubles de l’oralité et le sens de nos métiers de soignants. La première thématique se rapproche d’une formation tandis que la seconde pose une question plus philosophique, au cœur de notre activité quotidienne. Cette dernière est d’autant plus importante pour nous, soignants qui s’attachent à soigner les personnes en situation de handicap, qu’elle s’inscrit dans un contexte particulièrement difficile que chacun connaît.
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