Interview de Alexandre Amédéo, Business Line Manager chez idverde
Avec le changement climatique, les vagues de chaleur et les canicules seront de plus en plus fréquentes, intenses, durables et précoces (intervenant en 2022 dès la mi-juin : un record). Or, la ville est devenue un milieu particulièrement vulnérable à la chaleur. Comment inscrivez-vous l’action de votre société afin de lutter contre cette « surchauffe urbaine » ?
Les phénomènes extrêmes à répétition sont particulièrement alarmants. Les changements climatiques ont un impact direct sur la vie dans nos villes. Nous apercevons déjà les effets dévastateurs de cette « surchauffe urbaine » : écoulements pluviaux incontrôlés, îlots de chaleur, appauvrissement des sols, perturbations de la biodiversité…Les sociétés, dont les plus grandes, ont également une part de responsabilité dans l’action collective. Nous voulons contribuer à rendre la ville plus résiliente. La végétalisation, la préservation et la restauration d’écosystèmes dégradés sont autant de solutions face à cette lutte climatique. Il y a urgence d’agir.
L’architecte et designer Antonin Yuji Maeno, affirme qu’« il est temps de passer à une vision qui n’est plus centrée sur l’homme. Quand on habite le territoire, quand on dessine les villes, quand on pense des bâtiments, il faut les penser non pas pour une seule espèce, mais aussi pour les espèces qui nous entourent. » Partagez-vous ce sentiment ?
Historiquement, nos centres urbains ont été construits sur un modèle de concentration : densité urbaine, polarisation des infrastructures… La ville a été pensée pour nos besoins. Aujourd’hui, ce modèle s’épuise, car il a dégradé de nombreux écosystèmes. Or, nous prenons toute la mesure de l’interdépendance des espèces. La perte de la biodiversité urbaine n’est pas seulement un fléau pour les espèces animales ou végétales, elle nous touche aussi dans nos activités. Il est nécessaire d’intégrer une approche plus écosystémique à la construction urbaine où chaque habitat est préservé et répond à des enjeux qui ne sont plus seulement anthropiques.
Quels sont d’après vous les leviers sur lesquels les collectivités peuvent jouer face aux changements climatiques ?
Les collectivités locales jouent un rôle de premier plan dans cette lutte climatique. Elles peuvent s’engager dans des investissements verts pour accompagner la transition écologique des centres urbains : désimperméabilisation des sols, végétalisation urbaine, création de zones humides, aménagement de zones refuges… Les espaces verts sont des solutions pragmatiques pour accompagner cette démarche de planification urbaine résiliente. Construire des espaces végétalisés ne répond plus uniquement à des enjeux esthétiques mais à des enjeux de santé publique. La diversité du patrimoine géré par les collectivités locales est une opportunité pour inverser rapidement la tendance. Les collectivités locales représentent également le premier échelon pour sensibiliser nos citoyens à ces problématiques climatiques, à l’instar des écoles municipales.
La cour d’école est un lieu de respiration indispensable à la vie scolaire. Or ces cours de récréation, parfois en mauvais état, sont souvent des lieux très minéraux, avec des usages dépassés. Certaines n’ont pas été repensées depuis leur création qui peut dater de plusieurs dizaines d’années. Que proposez-vous pour replacer le bien-être et la santé des enfants au cœur d’un nouveau projet de réaménagement ?
La cour d’école a souvent été limitée par des usages restrictifs et une infrastructure peu évolutive. Notre volonté est de contribuer à faire vivre ces infrastructures et qu’elles deviennent des lieux de vies. Nous proposons à nos clients la réalisation de « classes vertes », où la cour d’école est la continuité de la salle de classe. La cour d’école doit être un lieu ludique, expérimental et pédagogique. Ces lieux offrent des opportunités d'enseignement sur la nature, l'écologie et la durabilité. Les élèves peuvent en apprendre davantage sur la faune et la flore. Les élèves doivent s’approprier l’usage des espaces au même titre que l’ensemble des parties prenantes.
Pour se lancer dans un tel projet, la concertation avec l’ensemble des parties prenantes est-elle un point fondamental ?
La concertation est fondamentale. Nos expériences dans l’aménagement et dans la gestion de ces infrastructures, se révèlent être des atouts précieux. Nous proposons des accompagnements sur-mesure en conception-réalisation pour s’assurer de la concertation avec l’ensemble des parties prenantes. Professeurs, élèves, parents d’élèves, élus, services de la ville doivent être interrogés pour comprendre les enjeux locaux du site et proposer une approche durable. Dans cette dynamique, nous avons créé une « malette pédagogique » pour sensibiliser les élèves à l’écologie et la transformation de leurs lieux de vies.
Paris et Lille ont été les premières villes françaises à lancer une végétalisation d’ampleur de leurs cours d’école. Après avoir rénové une trentaine de cours d’école, la ville de Paris a été lauréate du programme européen Actions innovatrices urbaines et a obtenu des financements pour dix cours supplémentaires. Les villes peuvent-elles bénéficier de financements spécifiques pour végétaliser leurs écoles ?
Ces projets répondent à des enjeux directs de bien-être, de santé publique et de résilience face à l’augmentation des températures. A ce titre, les financements débloqués peuvent être importants. Certains projets peuvent être financés jusqu’à 80% du coût total (Fonds Verts, Fonds FEDER, subventions régionales…) De plus, ces cours d’écoles peuvent jouer un rôle essentiel dans la gestion des eaux de pluie, et elles peuvent être financées par les agences de l’eau des territoires concernés.
Comments